dimanche 18 novembre 2007

Not funny

Parmi les maladies mauvaises pour la santé, la méningite n’est pas la plus drôle. Aux deux cas qu'a connu Oxford en 1999 et 2006 est venu s'ajouter un troisième, un élève de l'université, au début de la semaine. Toutes les entités de l’université plus ou moins responsables de et concernées par la santé de leurs étudiants ont envoyé des vagues d’emails dans la foulée pour 1. assurer que les autorités médicales sont confiantes dans le fait qu’il s’agit d’un cas isolé 2. faire une liste des symptômes de la maladie. Sans devenir paranoïaque (6 jours ont passé, pas de deuxième cas), vu l’espérance de vie après l’apparition des symptômes, ça ne me fait pas rire du tout. Je comprends mieux pourquoi la vaccination est fortement encouragée à l’arrivée ici. Je comprends moins bien pourquoi je ne m’en suis pas soucié avant.

jeudi 15 novembre 2007

Choice of college or college of choice

A l'époque du dossier de candidature, il m'avait fallu choisir un collège parmi les trente-neuf que compte Oxford. Après plusieurs heures passées à parcourir les sites internet de ces honorables institutions, je parvins à en choisir deux, sous-estimant l’importance de ce choix, dans la mesure où tous font parti de l’Université d’Oxford d’une part, et que mon éventuelle admission à un programme doctoral me garantissait l’admission dans un collège d'autre part. Je me retrouve dans un autre, sans vraiment savoir pourquoi, et d’après ce qu’on me dit, j’ai plutôt eu de la chance. Il a la réputation d’être un des tous meilleurs collèges pour les doctorants, et y être sans avoir posé de candidature, ça n’arrive jamais. Enfin, cela dit, tout collège qui se respecte prétend être le meilleur … Selon le discours officiel, le collège est la "base sociale" de l'étudiant, là où il vit en dehors de ses cours. Derrière ce terme se cache une organisation complexe. Chaque étudiant est en théorie d'abord accepté par un collège, ce qui vaut admission à l’université pour un undergraduate. Chaque collège a sa propre administration, son patrimoine et son corps professoral. A chaque étudiant est affecté un tuteur, c'est-à-dire un fellow de son collège, qui à la charge de veiller à sa bonne intégration et au bon avancement de son cursus, pas tant sur le plan académique que sur les plans administratif, financier et relationnel. En tant que post-graduate student, j'ai un autre tuteur, le chef de mon département, qui lui garde un oeil sur mon avancement académique et qui n’est pas rattaché à mon collège.

Ensuite un même collège héberge des étudiants d’une large palette de disciplines, des lettres classiques à l'astrophysique en passant par la génétique et les sciences politiques. De fait, la population y est étrangement hétérogène pour un arrivant d’une grande école française. On dit ici que ce mélange participe à l'ouverture des étudiants. Plus difficile pour les scientifiques d’ignorer les littéraires et réciproquement quand tous dînent à la même table.



Mon collège, c'est donc Balliol, en plein cœur de la ville. Ca ressemble à un château de l'extérieur, est à un château dans lequel on aurait construit des logements sociaux de l'intérieur. Selon une ardoise placée à l'entrée, Balliol "has a good claim to be the oldest of Oxford's Colleges", ce qui veut dire qu'il est seulement de quatorze ans plus jeune que le premier fondé et sans doute l'un des trois plus vieux. Sa devise non-officielle proclame que les élèves de Balliol jouissent d’une "tranquil consciousness of an effortless superiority". Cette arrogance sans nom et néanmoins plaisante ne lui permet cependant pas d’être en tête de la Norrington table, mais pas loin. Sa devise officielle proclame en latin un truc que j'ai oublié.

Balliol a un grand hall (qui fait usage de cantine), avec un orgue au plafond et les portraits des anciens masters et des plus célèbres alumni (des rois de Norvège et des premiers ministres britanniques) pendus au mur, une jolie chapelle et des grandes pelouses. Quelqu’un à qui je faisais visiter le hall il y a peu a eu l’étrange idée de me dire que, vraiment, Oxford fait tout pour ressembler au monde d’Harry Potter. C’est un peu comme quand un américain trouve intéressant que les anglais aient donné aux rues de Londres le nom de villes de Caroline du Nord ! Mais passons. Balliol, pour alimenter sa réputation de collège "de gauche" (la bonne blague) laisse ses étudiants jouir de privilèges incroyables, comme l'autorisation de marcher sur les pelouses ou celle de s'assoir à la "high table", traditionnellement réservé aux plus hautes autorités, et cela sans même leur imposer de porter l'uniforme !

Il y a quelque chose d’étrange à habiter dans des bâtiments historiques, à dîner dans un hall dont les murs si ce ne sont les bancs ont vu passer des générations de futurs grands hommes, à étudier dans une bibliothèque pleine de livres écrits à la plume, à prendre part à des traditions qui ne sont ni de ma culture ni de mon époque, à me faire prendre en photo par des touristes en plein déjeuner ou devant la façade principale. Je n’arrive pas à trouver ça normal.

Un fellow à qui je confiais cela à un dîner m’a souhaité que cela reste ainsi.

samedi 3 novembre 2007

How I found a future

Voilà six semaines que je suis arrivé. Six semaines qu'il est déjà difficile de résumer ou de saisir en quelques phrases. Je suis ici pour quatre ans (le terme de mon doctorat), au bas mot. Il est rassurant de savoir où je serai dans quatre ans. A vrai dire, je crois n'avoir jamais été en mesure de prédire où j'allais être dans quatre ans avec ce degré de certitude. Géographiquement j'entends. Mais c'est aussi et surtout une toute nouvelle vie, une nouvelle aventure. Une aventure qui a véritablement commencé il y a six mois.

J'étais à Princeton, Etats-Unis, dans une autre vie, écrivant sur un autre blog. C'était au milieu de ma recherche de thèse. Je ne pensais pas à Oxford. Trop prestigieux. Un trop grand nom. Diplômé d'une école d'ingénieur française touchée du syndrome de l'anonymat, je me débattais déjà pour convaincre des institutions de moindre réputation de la valeur (hexagonale au moins) de mon diplôme. Et puis une amie de bon conseil, établie à l'époque en Angleterre me fit part de son envie d'Oxford, avant de me poser très simplement la question: pourquoi n'essaies-tu pas Oxford ? J'ai ri. Ou plutôt, j'ai écrit "lol" dans l'interface emmessennesque. Et puis l'idée a fait son chemin, et deux jours plus tard je me retrouvais à examiner la liste des programmes et départements de l'Université d'Oxford. Et je suis tombé sur un programme qui correspondait à s'y méprendre à ce que je cherchais. La première étape de la procédure de candidature était à ma portée. Envoyer un CV. La belle affaire! J'en avais une douzaine fin prêts à être envoyer. J'ai cliqué sur "Envoyer", sans me faire de fausses joies (je n'aime pas les fausses joies) et n'en ai parlé à personne.

L'avis positif du département pour une candidature complète est arrivée dans la foulée ... cinq jours avant la date limite de réception des dossiers, par la poste cette fois. J'ai cravaché pour monter un dossier en deux jours et l'ai confié à contrecoeur à Fedex. Deux semaines plus tard, j'avais décroché un entretien téléphonique. Là, seulement, j'ai commencé à y croire, voire m'y voir. Là, j'ai senti une pression à laquelle j'avais échappé jusque ici. J'étais à trente minutes de conversation téléphonique transatlantique avec quatre anglophones simultanément de décrocher une thèse taillée sur mesure, à Oxford qui plus est. Si près et un peu loin quand même aussi. J'ai passé cet entretien aux aurores, décalage horaire oblige, dans mon cubicle d'alors, avec étalées sur mon bureau des notes qui contenaient les réponses à toutes les questions possibles et envisageables, pensais-je. Pas tout à fait finalement. J'avais une bonne impression en raccrochant, et me suis efforcé de ne pas la ruiner en me rejouant mentalement le scénario de la conversation jusqu'à regretter et reformuler toutes mes réponses. J'ai échoué.

Deux jours plus tard, je recevais un email informel qui m'annonçait le succès de ma candidature. Après deux longues semaines, je tenais enfin la lettre de confirmation officielle et la garantie d'avoir, pour les quatre prochaines années, trouvé un futur.

Sam, in Oxford